dimanche 9 décembre 2012

Willy Mason: "Carry On"







Juste au moment où les listes de fin d'année commencent à pulluler sur le web débarque de façon un peu inespérée ce troisième album de Willy Mason, pas moins de cinq ans après "If The Ocean Gets Rough", bouleversant un peu mes plans de commencer à mettre en forme mon propre classement. À ce propos on remarque une sorte de surenchère malsaine dans la blogosphère et les webzines musicaux qui pondent chaque année leur liste un peu plus tôt (les premières sont apparues mi-novembre... ), ce qui avouons-le n'est ni très élégant ni révélateur d'une grande ouverture d'esprit vis-à-vis des artistes qui sortent des disques sur le tard. Je ne sais pas si les chroniqueurs de Paste Magazine ou de Pitchfork jettent un oeil blasé sur l'agenda en disant "hmmm, Willy Mason, bof" mais même en admettant qu'ils reçoivent les albums en avance la démarche est un peu perverse. On vit vraiment dans un monde qui a le feu au cul.

Pour en revenir à Willy Mason, ses débuts précoces avec l'album "Where The Humans Eat" de 2005 avaient été remarqués grâce à la fraicheur et l'étonnante maturité qui se dégageaient de sa voix et de ses chansons, avec à la clé un petit tube folk bien sympathique, "Oxygen". À seulement 20 ans Mason a eu droit aux éloges les plus exagérés et les plus prévisibles de la part des médias, annoncé un peu partout comme le "nouveau Dylan" à une époque où le folk faisait un retour en force sur la scène indé. "If The Ocean Gets Rough" a suivi deux ans plus tard, un disque bien moins fantaisiste, le troubadour tentant certainement de s'imposer comme un songwriter "sérieux" à la hauteur de la hype. Sans être mauvais, cet album à l'atmosphère lourde et dépressive n'a pas connu le succès espéré malgré un single très réussi, "Save Myself", et les années ont commencé à défiler sans que l'on n'entende plus vraiment parler du jeune musicien, en-dehors de la sortie de quelques EPs très confidentiels et de brèves collaborations avec les Chemical Brothers et Isobel Campbell. On sait que Mason a continué à se produire sur scène mais cela n'a pas suffit à entretenir la curiosité, surtout avec un répertoire aussi léger.

Pour ma part j'ai même inconsciemment arrêté d'attendre un éventuel retour discographique, étant resté sans la moindre nouvelle de l'artiste depuis 2010 et peu disposé à faire une investigation, plus par négligence que par manque d'intérêt. La sortie de "Carry On" m'a donc pris par surprise, et après quelques écoutes je dois dire qu'on n'est pas plus avancés sur le cas Willy Mason. À 28 ans, ce n'est plus l'album d'un bambin sorti de sa province et dépassé par les évènements qui nous est présenté mais bel et bien le comeback d'un songwriter aguerri ayant volontairement pris tout son temps pour mûrir. Sur le papier cette intention est louable mais "Carry On" est un peu à l'image de son titre bateau et passe-partout, un album sans vraie personnalité qui aurait aussi bien pu sortir en 2009 comme si de rien n'était. La plupart des chansons sont de nouvelles versions de titres présents sur les EPs sortis il y a quelques années et déjà joués des centaines de fois en concert. La voix de Mason a certes pris du volume et de la finesse, mais pour l'essentiel on ne redécouvre pas son talent sous un prisme différent.

Il y a pourtant une évidente volonté de rupture dans la mise en forme: le producteur Dan Carey apporte une base rythmique entièrement synthétique et enveloppe la folk rustique de Willy Mason dans un nuage d'effets électro-pop discrets mais omniprésents. Le résultat est contre toute attente assez séduisant et donne une belle profondeur aux compositions, un contraste bienvenu entre folk terrien et ambiances travaillées. Sur les meilleurs titres, le très shoegaze "Restless Fugitive" (téléchargeable gratuitement sur willymason.net), un "Pickup Truck" folk-pop accrocheur ou le plus intime mais exquis "Into Tomorrow", on est devant l'ébauche d'une évolution intéressante mais le manque d'emphase récurrent dans l'interprétation de Mason (on a parfois envie de le secouer pour qu'il arrête de marmonner) et la présence de titres sans saveur fait retomber "Carry On" au niveau des disques précédents. C'est charmant, indéniablement bien foutu et cohérent, mais ça ne fonctionne à plein régime qu'occasionnellement. Pour terminer sur une note positive je dirais qu'en trois albums il y a déjà de quoi compiler un très agréable best-of, en espérant tout de même que l'ex-enfant prodige saura exploiter son talent avec plus de conviction dans les années qui viennent.            




Willy Mason - Restless Fugitive from Deezer UK on Vimeo.


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