mardi 12 février 2013

Tom Morgan: "Orange Syringe"







Après un mémorable concert, il y a presque trois ans, Tom Morgan et la charmante Alison Galloway m'avaient confié qu'un nouvel album de Smudge était en cours de préparation. Depuis lors le groupe a continué à se produire sur scène assez régulièrement, mais on attend toujours le successeur tant espéré de "Real McCoy, Wrong Sinatra" (1998). C'est en partie pour cette raison que le premier album solo de Tom Morgan est aussi bienvenu qu'énigmatique.

Morgan et sa bande n'ont pas obtenu le succès que leur savoureuse power pop aurait mérité dans les années 90, mais comme le laisse deviner le titre de leur imparable best of ("This Smudge is True", sorti en 2010) on se doute que la dévotion des fans à l'égard de ces australiens attachants et sincères n'a pas bougé d'un iota malgré les années. Le charme de leur discographie entière non plus, puisqu'à l'instar d'autres modestes artisans du rock indé de cette époque comme Pavement ou les Lemonheads la musique a gardé toute son authenticité et son caractère spontané, direct, proche des gens. Peu d'artifices, un instinct pop inné et une dimension humaine que l'on retrouve immédiatement sur ce nouvel album.





Première satisfaction à l'écoute d'"Orange Syringe" et premier indice pour résoudre l'énigmatique choix de Morgan de sortir ce disque: à deux ou trois exceptions près aucune chanson n'aurait véritablement sa place dans le petit univers sucré de Smudge. Cet authentique album solo couvre un terrain nouveau et plus personnel pour Morgan, même s'il a déjà flirté avec de nombreux styles au travers de ses multiples projets (Sneeze et The Givegoods, entre autres). On retrouve le songwriter en pleine méditation et dans une humeur équivoque, parfois morose, faisant néanmoins toujours gala de son humour second degré, de son habileté avec les mots et de son talent pour aboutir d'innocentes mélodies qui se révèlent de plus en plus accrocheuses au fil des écoutes. Les influences convergent souvent vers le mélange de country, folk et rock communément dénommé "americana", avec quelques touches de pop/rock lo-fi ici et là, et le tout pourrait être comparé au classique "American Water" des Silver Jews pour la poésie déglinguée qui s'en dégage et un souci du détail qui en fait un disque à double fond, plus complexe et travaillé qu'une simple écoute ne suggère. "Best Thing For Baby", l'une des meilleures chansons de l'album, représente bien l'attention portée au développement des compositions avec ses guitares subtiles rappelant les ornements délicats des premiers albums de My Morning Jacket.  

Tom Morgan n'a pas le registre vocal et la richesse d'interprétation de son vieil acolyte Evan Dando, qui en plus d'écrire avec Morgan a repris et sublimé nombre de ses chansons avec les Lemonheads ("Down About It", "The Outdoor Type", "Baby's Home" - ces deux dernières auraient pu figurer ici), mais sa voix de "guy next door" est aussi moelleuse que le sofa du salon et toujours aussi chaleureuse, voire étrangement touchante dans ses limitations (l'acoustique "Mess With The Bull" est aussi dépouillé que captivant, et typiquement morganien: "Don't ask me about my history, I won't recall the facts/Don't loan me anymore money cause you won't see dollar one back"). Encore une fois, c'est la proximité qui fait le charme de cet artiste et l'on aurait tort de s'en tenir au manque de glamour, de production tapageuse ou de grosses ficelles, car l'unique ambition d'"Orange Syringe" réside dans la qualité intrinsèque des chansons, de la pop douce amère de "Virtuoso" et "Fatherland" à la mélancolie d'"Awkward Living" et "Final Final The One The One". En ce sens c'est un très digne disque de singer-songwriter qui nous est offert, aussi intemporel, honnête et agréablement nonchalant que tout ce que nous a proposé Tom Morgan jusqu'à présent. Vu le parcours discret mais fort consistant de l'australien, c'est déjà beaucoup.  





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