Les sorties récentes des albums de Tame Impala et Melody's Echo Chamber, à un mois d'intervalle, m'incitent à faire un truc peu orthodoxe, c'est-à-dire à combiner deux chroniques en une seule. Non pas que les deux disques soient identiques en tout point mais on ne va pas couper les cheveux en quatre: si on a aimé "Lonerism" de Tame Impala (c'est mon cas) il n'y a aucune raison de ne pas apprécier "Melody's Echo Chamber", pour des raisons plus qu'évidentes.
Dans le cas de Tame Impala, groupe profondément ancré dans la vieille tradition psychédélique, "Lonerism" pourrait être injustement sous-estimé pour sa tendance à réciter le Revolver des Beatles et les classiques de la scène hippie californienne des années 60-70. Des critiques qui n'ont curieusement pas été faites à "Innerspeaker", un premier album naïvement rétro et parfois un peu trop porté sur du riff recyclé et des jams old-school. Avec ce nouveau disque le leader du groupe, Kevin Parker, démontre au contraire qu'il n'est pas seulement un élève appliqué mais un songwriter au talent considérable capable de sublimer les clichés du genre avec des mélodies et des arrangements d'une grande finesse. Les nappes de synthé, la restreinte des guitares et l'aspect déstructuré des morceaux sont peut-être déroutants au début mais c'est un excellent album de pop psychédélique qui se révèle au fil des écoutes. Un disque d'une dimension bien supérieure à la moyenne et sans aucun doute l'un des tout meilleurs de cette année 2012. Adieu aux fans de stoner qui n'auront qu'un maigre "Elephant" (jeu de mot non voulu) à se mettre sous la dent et bonjour aux amateurs de pop barrée et vintage. À l'heure où pas mal de groupes revendiquent leur psychédélisme à tout bout de champ sans vraiment le démontrer - ou alors de façon très superficielle (Kasabian, Noel Gallagher, c'est pour vous) - les australiens de Tame Impala font figure d'authentiques héritiers tout en apportant un son neuf et rafraîchissant.
Et voici qu'après la sortie remarquée de "Lonerism" débarque ce premier album de la française Melody Prochet, compagne de Kevin Parker selon certaines gazettes, même si ce n'est pas vraiment ce qui nous intéresse ici. Ce projet solo a de toute évidence bénéficié de la bienveillance de Parker tant la production et les arrangements sont semblables à ceux de Tame Impala.
Puisqu'il s'agit d'un début, pas facile de discerner la véritable personnalité musicale de Melody Prochet dans un environnement si particulier. Pour autant, ne cédons pas tout de suite au cynisme: dès l'épatant "I Follow You", joli titre pop qui n'a rien d'excessivement "impalien" si ce n'est son fabuleux solo de guitare, il paraît évident que cet album a plus à offrir qu'une simple resucée de "Lonerism". Là où l'album des australiens renvoie à un rock expérimental aussi vieux que le premier trip sous acide de John Lennon, la pop éthérée de "Melody's Echo Chamber" nous ramène plutôt au tout début des années 90, entre les Cocteau Twins et Slowdive, époque d'un shoegaze moins hallucinogène mais tout aussi évaporé. On peut dire que les deux disques ont en commun une sensibilité psyché et rêveuse, mais celui de Tame impala est bien plus abouti et jusqu'au boutiste, ou si vous préférez c'est une drogue plus dure et de meilleure qualité qui provoque davantage de dépendance. C'est d'ailleurs le principal défaut de "Melody...": la première moitié propose un bel équilibre entre efficacité pop et effets impressionnistes avant de se diluer dans un mélange d'influences contradictoires et brouillonnes, sans maintenir l'intensité mélodique du début. Un bon trip qui prend fin trop vite, tandis que "Lonerism" ne se permet aucune baisse de régime et négocie soigneusement chaque transition.
Le premier titre chanté en français, au beau milieu de l'album, est aussi le premier faux pas de la protégée de Kevin Parker, un "Bisou Magique" incongru qui semble être là uniquement pour dire "oh and by the way, I'm french". La bien-nommée Melody se réinvente soudainement en Jane Birkin du début des années 70 pour une chanson exagérément kitsch qui décide de flirter avec une pop désuète déjà 1000 fois revisitée par Air. C'est d'autant plus décevant que l'anecdotique "Endless Shore" nous ramène ensuite au shoegaze anglais initial avant de déboucher sur un autre morceau en français moins cucul mais tout aussi dispensable que "Bisou Magique". La fin du disque est plus cohérente mais c'est un peu trop tard, le tout étant scindé en deux approches bien distinctes qui ne font pas forcément bon ménage. Était-il vraiment judicieux d'ajouter une touche "frenchy" aussi peu subtile et de se risquer au cliché? J'en doute.
Dommage, car Melody Prochet a du charme à revendre et le boulot de Parker est souvent sensationnel. Difficile évidemment de ne pas remarquer son tour de main dans les arrangements utilisés et les effets de production (la guitare planante de la très réussie "Crystallised", les synthés de "You Won't Be Missing That Part Of Me", le mixage de la voix sur "Some Time Alone, Alone"...) mais aussi dans la structure et l'écriture de certaines chansons. C'est en réalisant ceci que je me suis mis à penser au "Live Through This" de Hole, tant soupçonné d'être l'oeuvre de Cobain... mais plutôt que de m'embarquer dans une épuisante théorie je préfère tirer un trait sur ces considérations et abandonner toute forme de polémique: "Melody's Echo Chamber" est un disque plutôt séduisant qui devrait apporter une renommée méritée à Melody Prochet, en France comme ailleurs. Mais il convient de souligner que malgré ses évidentes qualités, ce premier album à la production expansive ne laisse pas assez de place à la spontanéité et l'innocence de la musicienne. Tout semble déjà trop pro, trop calculé, trop clinquant. Un album ingénu déguisé comme un arbre de Noël qui finit par se prendre les pieds dans les guirlandes. Manque de maturité ou ambition excessive, peu importe, on attend quand même la suite avec une curiosité bienveillante.
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